La place de la Grande Vague dans l’Ukiyo-e, l’art de l’estampe japonaise
L’estampe est un art qui mélange peinture, gravure sur bois et impression. Ancêtre de l’imprimerie, il était utilisé pour reproduire rapidement et en grande quantité des tracts publicitaires.
Puis l’art de l’estampe, aussi appelé Ukiyo-e, s’est peu à peu ouvert aux représentations artistiques dédiées au peuple.
Au 19e siècle, on représentait surtout des personnes ou des scènes de vie de l’époque Edo (1600-1868). C’est l’artiste Hokusai, de son nom complet Katsushika Hokusai, qui a démocratisé la représentation de paysages, mais aussi de la faune et de la flore japonaise de l’époque. En plus de diversifier les types de représentation, le Grand Maître de l’estampe japonaise agrandit les palettes de couleurs utilisées. Il utilise des couleurs vives très peu utilisées au Japon de l’époque, comme le bleu de Prusse, couleur prédominante de la Grande Vague de Kanagawa.
Pour bien comprendre la nature et l’histoire de l’estampe japonaise, vous pouvez retrouver un article dédié à l’Ukiyo-e sur notre blog.
L’histoire de la Grande Vague de Kanagawa
La Grande Vague de Kanagawa, Kanagawa-oki nami-ura en japonais, fait partie d’une série d’estampes appelée les 36 Vues du Mont-Fuji ou Fugaku Sanjuurokkei. Ce recueil, paru en 1831, bouleverse les règles de l’Ukiyo-e, l’estampe japonaise traditionnelle de l’époque.
La Grande Vague de Kanagawa n’est pas la première représentation d’Hokusai d’une mer déchaînée. Il s’est déjà essayé à l’exercice 30 ans auparavant en réalisant les « Bateaux Cargo luttant contre les vagues », Oshiokuri Hato tsusen no zu, en 1805 et « Vue de Honmoku au large de Kanagawa », Kanagawa-oki Honmoku no zu, en 1803.
Initialement, l’estampe de la Vague n’avait pas vocation à devenir l’œuvre japonaise la plus célèbre du monde. Lors de sa création, de nombreux exemplaires de la Grande Vague ont parcouru le Japon.
Mais comment expliquer un succès si fulgurant à l’internationale dans un Japon aux frontières fermées sur l’extérieur ? À priori, la renommée de la Grande Vague aurait débuté à l’exposition universelle de 1867 de Paris où le Japon a eu l’occasion de présenter beaucoup d’estampes.
Forts de son succès et de l’arrivée du japonisme, de très nombreux artistes contemporains se sont emparés de l’œuvre et des règles de l’Ukiyo-e. Aujourd’hui encore, elle est largement utilisée et détournée.
Dans leur reportage dédié à la Grande Vague d’Hokusai, Arte illustre très bien les différentes représentations qu’a pu inspirer l’œuvre d’Hokusai, en particulier parmi les artistes contemporains, comme les 36 vues de la Tour Eiffel d’Henri Rivière.
La Vague d’Hokusai et le Mont Fuji : une représentation poétique du Japon
Comme son nom l’indique, La Grande Vague se déroule dans la baie de Kanagawa, dans la préfecture du même nom, entre Tokyo et la baie de Sagami, à environ 90 km du Mont Fuji.
La Grande Vague de Kanagawa, c’est d’abord une mer déchaînée. Et ce n’est pas une, mais deux vagues, qui s’apprêtent à submerger les pauvres pêcheurs. La plus petite, au premier plan, fait d’ailleurs écho au Mont Fuji situé en fond.
Contrairement aux idées reçues, la vedette de cette œuvre n’est pas cette immense vague à l’écume “crochue”, mais le Mont Fuji, ou Fuji San, en arrière-plan. Cette perspective de la célèbre montagne à travers les eaux déchaînées est une des 46 estampes réalisées dans les 36 Vues du Mont Fuji de l’artiste Hokusai.
La spirale s’ouvrant avec la vague et se refermant sur le Mont Fuji est hypnotique. Jouant avec les règles de dessin occidentales, la mer et le ciel se partagent équitablement la scène dans un équilibre parfait, rappelant le symbole du Yin et du Yang.
Hokusai joue avec les règles de la perspective pour nous peindre un tableau inédit du Mont Fuji. Contrairement à d’autres représentations, on notera que celle-ci est uniquement tirée de l’imaginaire de l’artiste.
Les trois embarcations de pêcheurs sont minuscules comparées à la vague qui, d’après certains historiens, ferait pas moins de 14m de haut. Un paysage qui permet de nous rappeler que nous sommes bien petits face à la force de la Nature.
Le bleu de Prusse est prédominant dans l’estampe. Cette couleur contraste totalement avec le blanc du papier washi, laissé intentionnellement pour représenter l’écume et la neige au sommet du Mont Fuji et le jaune des embarcations. Même l’encre de Chine noire et les nuances grises du ciel orageux sont presque invisibles face au bleu profond de la mer.
Où se trouve la Grande vague de Kanagawa ?
L'œuvre emblématique de l’autoproclamé "vieux fou de la peinture” à inspiré de grands artistes internationaux du 19e siècle comme Manet, Renoir ou Monet. Aujourd’hui encore, elle continue d’inspirer les artistes, les amateurs d’art, mais aussi les professionnels du marketing.
Reproductions, inspirations, détournement, on retrouve les caractéristiques principales de l’estampe absolument partout. Des œuvres de Van-Gogh aux publicités des chemins de fer japonais ou de Badois, en passant par le logo de Quicksilver jusqu’aux billets de banque, la Grande Vague de Kanagawa inspire encore beaucoup aujourd’hui.
Pièce phare du japonisme, cette œuvre et une partie des 30 000 dessins laissés par Hokusai sont à retrouver au musée Sumida Hokusai Museum de Tokyo. Contrairement à d’autres œuvres célèbres comme la Joconde ou La Nuit Étoilée, il existerait encore quelques centaines d’estampes originales de la Grande Vague à travers le monde. Vous pourrez peut-être admirer une reproduction d’origine dans un musée près de chez vous, comme le Musée Guimet à Paris.
La Grande Vague de Kanagawa est la pièce maîtresse de l’artiste japonais Hokusai. Sa renommée n’est plus à faire. En plus de la retrouver dans les plus grands musées du monde, l’estampe est utilisée comme motif pour de nombreux objets d’artisanat comme pour les noren japonais. De très jolies pièces qui permettent d’admirer la Grande Vague de façon originale.